Le modèle mathématique du pendule de torsion comme explication du fonctionnement du couple endolymphe-cupule nous fait comprendre que les forces qui
s'opposent au mouvement de l'endolymphe font que la réponse du système n'est mécaniquement pas linéaire. Mais pour simplifier les choses à outrance il faut faire comme si le couple endolymphe-cupule envoyait un signal qui va être traité pour pouvoir être utilisé. En effet on peut admettre que la réponse n'est certainement pas de la même qualité pour les vitesses basses ou basses fréquences et aux vitesses élevées et fréquences élevées que pour les vitesses et fréquences habituelles de la vie quotidienne.
La seconde loi d'Ewald nous annonce une asymétrie de réponse entre les deux labyrinthes pour un mouvement de la tête dans une même direction. Pourtant le gain de la réponse à une stimulation est égal à 1 jusqu'à des vitesses de l'ordre de 350-400°/sec. Alors qu'en fait il est fort vraisemblable que la fréquence de coupure c’est-à-dire le moment ou le labyrinthe inhibé ne répond plus doit être aux alentours de 200°/sec. Il est donc certain que si le gain reste égal à 1 alors qu'un des deux vestibules est quasiment éteint il faut qu'il y ait un système compensatoire qui s'allume ou vienne s'additionner à la réponse pour que le gain ne change pas.
L'hypothèse la plus vraisemblable, encore valable aujourd'hui, est que lorsqu'il n'y a plus d'activité en provenance du labyrinthe inhibé il y a une désinhibition centrale qui va augmenter la sensibilité afférente du labyrinthe excité. De ce fait la présence alternative de phases rapides va empêcher le neurone vestibulaire de rentrer dans un système d'extinction de son potentiel d'action comme dans une phase inhibitrice. Tout cela est bien compliqué mais c'est en stimulant ces processus centraux que le physiologique (linéarité de la réponse) va venir s'additionner aux autres facteurs de compensation pour retrouver une fonctionnalité correcte. Pour faire simple: nous avons un système push-pull.
Dans une situation d'atteinte déficitaire unilatérale on a: en stimulant dans la direction de la bonne oreille: du push sur le côté stimulé sans pull de l'autre coté (cassé ou pas) et en stimulant dans l'autre direction (celle du coté cassé) pas de push mais pas de pull de l'autre côté (physiologique). La nature va faire en sorte que le push et le pull du même côté (on dit que le coté sain devient l'organe vicariant) soient pris en compte pour diminuer l'asymétrie.
D’où la forte diminution du nystagmus spontané tel que nous avons l'habitude de l'observer. Mais l'histoire n'est pas terminée, une importante activité des fibres commissurales entre les deux noyaux vestibulaire va être à l'origine d'adaptation des neurones vestibulaires avec une augmentation de la décharge en GABA. Des neurones vont modifier leur action et des neurones silencieux par la destruction vont être réactivés par l'action activatrice de neurones controlatéraux au sein des noyaux vestibulaire. La compensation se situe à tous les niveaux. L'action excitatrice qui va se traduire concrètement par une diminution de la réponse du mécanisme de stockage de vitesse par rapport à la réponse cupulaire simple est ce que nous observons!! Notre action est capitale pour que les multiples modifications de décharge neuronale, de plasticité entre excitation et inhibition, phénomènes histologiques et neuro-chimiques se mettent en place.
Ce processus multiple est à point de départ immédiat. Mais notre apport est terriblement utile car il faut que tout cela se produise
conjointement et le plus proche possible de l'évènement initial. Encore une fois nous ne faisons rien d'autre que de "booster" des phénomènes naturels.
Tout ceci, bien sûr, étant responsable, parallèlement à la mise en place de tous ces phénomènes, de la diminution des symptômes. Donc la vitesse est importante pour bénéficier de l'assistance des centres pour obtenir cette modification de la sensibilité qui donne une réponse utilisable. Cela fait quarante ans que nous travaillons comme ça et nous sommes encore là!! En plus puisqu'il y a fixation visuelle à l'arrêt nous allons engager les contrôles visuellement induits de la stabilité du regard. (Réflexe opto-cinétique et poursuite oculaire lente. La fixation étant une poursuite à vitesse zéro.)
On demande les valeurs de normalité sur le fauteuil et on demande d'expliquer les échappements que j'ai baptisé "saturation". A travers tout ce qui vient d'être expliqué on comprend volontiers que s'il y a une physiologie (heureusement!!!) il y a des facteurs activateurs ou inhibiteurs. De plus l'utilisation que nous faisons inconsciemment de nos entrées est aussi variée qu'il y a d'humains. Donc ceci veut dire qu'il n'y a pas de valeur de normalité chez un sujet normal. (C'est l'idiosyncrasie.)
Ceci avait été montré dans un mémoire de DU dirigé par G. FREYSS d'un étudiant qui, à l'époque, travaillait au CHU de Nantes dans le service de Monsieur LEGENT.
Ce travail montrait une courbe des réponses allant de valeurs très hypovalentes à des réponses très centrales.
En revanche ce que nous observons est que pour un déficit vestibulaire soudain il y a une valeur assez standard de la réponse de l'oreille saine. L'oreille malade évoluant grâce à la compensation va fluctuer. Pour l'oreille saine la réponse est de 15 secondes +/- 3. Donc une réponse hypovalente sera en dessous de 8 secs et une réponse hyper sera au-dessus de 20 secs.
Mais encore une fois attention car tout ceci est valable dans un contexte en harmonie avec la réponse d'autres tests. C'est la raison pour laquelle beaucoup d'ORL disent qu'il ne faut pas faire tourner les Ménière car les réponses changent, s'inversent, s'annulent etc…
Pour la saturation il me semble que l'explication de la mise en place d'un processus central dans le travail sur le fauteuil fait comprendre qu'il est très important de monitorer son travail et ses réponses pour éviter au système de "flamber".
Dans le même registre on aborde les canaux verticaux. Encore plus complexe que les canaux horizontaux. En effet il y a quatre canaux verticaux pour deux horizontaux. Autant la précision des mouvements conjugués des deux yeux pour fixer une cible est importante mais dans le cas des verticaux il faut ajouter la précision des yeux en pitch c’est-à-dire éviter une diplopie verticale. Ensuite les canaux verticaux sont, dans leur fonctionnement, liés à la contribution du système otolithique. Ceci veut dire que la réponse des canaux verticaux va dépendre de la position, dans l'espace du système otolithique par rapport à l'orbite.
Sur le plan neurophysiologique c'est encore plus complexe. Alors rapidement: il y a une asymétrie de réponse (variable) entre les canaux antérieurs et les canaux postérieurs. Les phases lentes verticales ascendantes sont privilégiées. Les canaux verticaux donnent un mouvement oculaire vertical et torsionnel. Les composantes ne sont pas identiques sur les deux yeux. Exemple: quand le postérieur droit est excité il y a un mouvement torsionnel horaire avec une composante verticale descendante sur l'œil droit. Mais l'œil gauche montrera un mouvement vertical descendant avec une composante torsionnelle horaire. Ceci est dû au fait que ce ne sont pas exactement les mêmes muscles qui sont stimulés et en outre au niveau des noyaux vestibulaires le neurone vestibulaire va coder deux pools de neurones séparés: un pour chaque œil. En plus toujours au niveau des noyaux le canal postérieur envoi des informations au noyau abducens.
Donc si nous rajoutons tous les facteurs qui peuvent modifier la réponse comme la position de la tête en translation, en rotation et en inclinaison et si on change d'œil pour plus de commodité, si il y a en plus une asymétrie cranio-faciale on a des réponses qui sont peu fiables. Il est certain que le système de contrôle statique et dynamique de la verticalité est extrêmes sensible, précis, avec une remarquable capacité d'adaptation.
Il est vraisemblable qu'aux petits angles et à basse fréquence le système otolithique fait le travail de stabilisation de la tête mais il est aussi responsable de mouvements oculaires fins. Le système canalaire prend la relève aux hautes fréquences et vitesses élevées en participant à la conjugaison des positions des deux yeux en verticalité et en oblique.
Donc si on teste le système avec ses multiples interactions au sein même de ces huit capteurs et si pour des raisons de facilité on met la tête telle que le système est "out of range" ce n'est plus fiable du tout.
Alors comment savoir rapidement chez un patient compliqué: si, par hasard, peut-être que, etc… etc… Souvenez-vous d'une chose: tout est "tâche dépendant". Donc si nous voulons savoir si il y a une anomalie avec la verticalité compte tenu que: en premier, ce système est le propriocepteur de la tête et bien regardez la position de la tête dans l'espace. On suspecte une asymétrie périphérique vestibulaire dans la verticalité ?
Demandez au sujet s'il n'a pas une diplopie verticale et s'il en a eu une!!! Ensuite en demandant au sujet de fixer une cible puis sans la quitter des yeux baisser la tête puis lever la tête. La question sera: avez-vous observé un passage ou une position de la tête qui vous donnait deux images? C'est la plus élémentaire des réponses!!! En effet les symptômes sont bien les conséquences d'une dysfonction donc recréez le symptôme et vous pourrez faire vos déductions.
Mais attention il faut sans aucun doute arrêter de rendre l'organe périphérique responsable de tout. Vous voyez à travers ces explications que les choses sont très complexes. Donc une dysfonction dans la chaine vestibulo-oculaire ou dans le système de stabilisation du regard pourra donner le même symptôme.
Nous restons dans l'organe vestibulaire en nous interrogeant sur l'intérêt du VHIT et des covert-saccades.
Le HIT n'est pas un test récent. Il a été décrit par Halmagyi neurologue australien en 1988. En France nous en faisons toute une affaire comme si c'était le test suprême. Il s'agit d'un "bed-side test" répondant aux besoins d'un Neurologue. C'est effectivement le test le plus simple
pour savoir si un canal répond. Vous avez compris à travers ce qui précède que les verticaux n'ont pas les mêmes chances de succès. Ils n'en n'ont pas eu puisqu'on s'y intéresse que depuis que la vidéo permet d'enregistrer les réponses. Est-ce utile? Non car la mise en place de l'adaptation avec la signification que je lui ai donnée risque de vous donner des faux négatifs ou des faux positifs simplement à cause de la variabilité de la concentration des sujets testés. En outre si vous donnez une valeur capitale à ce test vous risquez de vous planter merveilleusement. Alors on nous dit oui mais il y a les covert-saccades. Si vous vous souvenez de vos cours au tout début, j'avais montré des résultats de travaux que nous avions faits avec E. VITTE sous la direction de G.FREYSS.
Nous montrions la substitution du VOR chez un aréflexique bilatéral par le système saccadique. Ceci veut dire que de toutes petites saccades se produisent pour bouger l'œil de manière à faire un mouvement compensatoire. En plus je vous disais que le gain n'était que de 0,5 mais que c'était suffisant pour ne pas avoir d'oscillopsies à la marche.
L'intérêt des covert-saccades est pour le médecin qui fait des explorations fonctionnelles. Cela lui donne la possibilité d'objectiver une part de substitution dans une réponse compensée sur une vieille histoire. C'est tout. Donc moralité c'est sans intérêt pour un rééducateur vestibulaire.
Nous arrivons à des questions plus générales: comment mettre en évidence une dépendance visuelle sans Equitest.
Le terme dépendance visuelle a été utilisé par Lewis NASHNER lorsqu'il a conçu EQ. Cet appareil de posturographie dynamique utilise pour ses tests soit un plateau asservi aux mouvements propres du sujet soit un environnement visuel asservi soit les deux. Les asservissements vont traduire la vitesse et l'amplitude du déplacement de la projection du centre de masse sur le plateau de force. Ces déplacements, pondérés par un capteur de cisaillement, (indispensable puisque la surface de la projection du polygone de sustentation va varier avec l'inclinaison du plateau par rapport à l'horizontale) vont entrainer via l'ordinateur un déplacement du plateau ou de l'environnement visuel ou les deux en phase avec le sujet. Dans les mouvements corporels antéro-postérieurs la stratégie usuelle est que le corps étant vertical la tête étant par définition stable en haut du corps si le sol prend un angle avec la verticalité du sujet l'axe de rotation sera la tibio-tarsienne. L'augmentation de la pression sur l'avant pied, par exemple, va provoquer une réaction motrice de redressement du corps.
Chez un sujet avec les yeux fermés et le sol asservi il n'y a pas de perception d'augmentation du poids sur l'avant pied, il n'y aura pas de correction motrice, seul la réaction parachute du système vestibulaire amènera la correction. Si le syst vest n'alerte pas il y a chute. Pour l'environnement visuel il y a deux choses: la rétine périphérique mesure la vitesse de déplacement de la scène visuelle. Si le mouvement sujet environnement est en phase le cerveau dira je ne bouge pas. Puis les deux yeux regardent devant. Les mouvements de vergence oculaire ont pour rôle de faire fusionner deux images avec plus de finesse que le VOR ce sont ces corrections visuellement induites dont nous avons parlé plus haut. En outre ces mouvements de vergence permettent aussi de mesurer les déplacements de la cène visuelle avant arrière et ainsi de corriger, de permettre la vision en relief et de mesurer la distance de la cible. Si le sujet bouge et que sa stratégie est d'utiliser plus volontiers les mouvements visuellement induits sans chercher de corrélation avec le VOR ou bien si le VOR est défectueux nous avons le même résultat: une chute.
En conclusion: encore une fois un seul test pris isolément n'a pas de valeur c'est pour cela qu'il y a six tests. Si le sujet ne bouge pas yeux ouverts avec environnement visuel asservi mais qu'il chute yeux fermés sur plateau asservi et sur plateau asservi plus environnement asservi yeux ouverts c'est qu'il a un déficit de l'entrée vestibulaire. Si il bouge exagérément yeux ouverts environnement asservi, qu'il ne chute pas yeux fermés sur plateau asservi et qu'il chute sur plateau plus environnement asservi c'est qu'il utilise une stratégie qui privilégie l'entrée visuelle c'est la dépendance visuelle.
Maintenant si le sujet bouge un peu en condition yeux ouverts environnement asservi, qu'il chute en plateau yeux fermés ainsi qu'en plateau plus environnement et que ses épreuves vestibulaires sont normales c'est ce que G. FREYSS a appelé une omission vestibulaire.
Tout le monde essaye de copier EQ, ceux qui n'ont rien à opposer critiquent négativement sur des bases qui ne sont pas solides. Mais il est important de savoir que ces outils sont des instruments de mesure. Qu'il n'y a pas de variation de réponse au gré du vent. On n'utilise pas un générateur opto-cinétique pour déterminer une dépendance visuelle. La déviation posturale induite par une stimulation opto-cinétique est PHYSIOLOGIQUE. En revanche que cette déviation posturale ne soit pas maitrisée et corrigée est pathologique. Enfin pour répondre à une autre question: un ressort n'a pas une réponse linéaire. Elle peut l'être sur une toute petite amplitude. Mais si on veut garder cette frange linéaire il faut que le tarage soit toujours le même quel que soit le poids du sujet placé sur l'outil. Sinon ce n'est pas un outil de mesure.
- Comment faire de l'optocinétique a un sujet épileptique?
D'après nos amis médecins la stimulation déclenchant une crise dans l'épilepsie est l'effet stroboscopique. Je ne dirai rien de plus. Moi je n'en fait pas. Mais l'opto n'est pas le seul traitement d'une cinétose !!!
- VPPB et neurinome: s'il s'agit assurément d'un VPPB il n'y a pas de raison de ne pas faire de manœuvre. MAIS à la seule condition c'est qu'elle soit faite comme nous la faisons et pas n'importe comment.
On s'interroge sur: sujet en décubitus tête normale dans le prolongement du corps. Tete a droite de 45° apparition d'un nystagmus horizontal gauche dont la fréquence augmente mais qui ne s'épuise pas. On tourne la tête à gauche 45° le nystagmus gauche ralenti s'épuise et laisse place à une apparition progressive d'un nystagmus horizontal
droit qui ne s'épuise pas. On revient à la position tête normale le nystagmus a beaucoup de mal à s'épuiser.
QUID?
Réponse: une cupule alourdie du canal horizontal. Traitement: pas de manœuvre. Couchage dans la position sans nystagmus, en général disparait en six semaines. Il n'est pas interdit de tenter de faire du fauteuil mais si les réponses sont symétriques ça ne sert à rien!!
Mes chers amis j'espère avoir répondu correctement. J'ai essayé d'être le plus simple possible pour ne pas être "chiant".
Je voudrai vous citer deux réflexions:
Robert "Bob" BALOH neurologue à UCLA dans un de ses ouvrages.
"Il y a encore beaucoup de traitement utiles et efficaces à trouver pour traiter les dysfonctions vestibulaires. Pour le VPPB on en a un et on en est sûr. Mais à quoi cela sert-il de trouver des choses qui marchent lorsqu'elles ne sont pas utilisées ou mal utilisées. C'est une manière de faire particulièrement décourageante.
Un écrivain américain Daniel. J. BOORSTIN
" Ce qui empêche l'évolution par la découverte ce n'est pas l'ignorance; c'est de croire que l'on sait"
Vivez bien à un de ces jours.
Très amicalement
Alain Sémont