Réhabilitation d'un Syndrôme Déficitaire Vestibulaire Unilatéral (Exemple)
Pour rendre la conduite de la séance plus accessible on utilisera un exemple simple : une atteinte déficitaire périphérique unilatérale droite.
Le bilan préthérapeutique donne les informations suivantes :
- la plus évidente est la présence d'un nystagmus spontané gauche de différents degrés selon la classification de Nylen. Ceci donne une information temporelle et quantitative. Temporelle en ce qui concerne l'ancienneté de l'atteinte, quantitative en ce qui concerne le degré de l'atteinte
- selon l'importance du nystagmus spontané on aura (ou n'aura pas) une poursuite altérée dans une direction. Dans le cas d'un nystagmus spontané gauche intense sur une atteinte récente la poursuite sera altérée vers la gauche
- le protocole vidéonystagmoscopique: L'épreuve de contre-rotation oculaire indique si le système otolithique a souffert ou pas. L'épreuve rotatoire impulsionnelle à vitesse constante révèle, selon le degré du nystagmus spontané, une prépondérance directionnelle totale ou un début de récupération ou de compensation du coté lésé. L'épreuve de rotation rapide de la tête majorera le nystagmus spontané.
- les latéralisations vestibulo-spinales seront harmonieuses et toutes vers la droite.
- l'épreuve rotatoire à vitesse élevée et arrêt brusque indique l'asymétrie. Cette asymétrie sera cohérente entre l'épreuve en fixation et l'épreuve en vection. L'épreuve en vection peut renseigner sur le degré d'avancement de la compensation centrale.
Si le bilan ne correspond pas à ce qu'on viens de décrire tout doit être remis en question. Le recours au médecin spécialiste prescripteur est obligatoire. Il faudra lui transmettre les informations considérées comme incompatibles avec l'affection originellement diagnostiquée. C'est lui qui donnera le feu vert pour la poursuite du traitement ou qui demandera un supplément d'explorations.
N'oublions jamais que sommes dans un domaine neuro-sensoriel qui peut être changeant, fluctuant et évolutif. Nos observations sont celles du moment ou elles sont faites et ne sont que le reflet d'un état trés ponctuel.
On sait qu'une asymétrie vestibulaire va perturber l'orientation et la stabilité du regard et fausser la position du droit devant. Cet ensemble d'anomalies va être responsable des doléances du sujet. Le cerveau tente de corriger désespérément ainsi qu'en témoigne la fréquence de la phase rapide du nystagmus spontané.
Il semble évident que le premier geste à faire est de tenter de diminuer cette asymétrie. Cette asymétrie, on le rappellera, est matérialisée par l'ensemble des latéralisations vestibulo-spinales et vestibulo-oculaires.
Pour ce faire on va utiliser le fauteuil rotatoire pour provoquer des stimulations répétées qui grâce à la plasticité neuronale vont réorienter le "droit-devant" et ainsi diminuer voire annuler les déviations vestibulo-oculaires. On voit ainsi que ce qui est produit par le travail au fauteuil n'est pas autre chose que ce que le cerveau demande. L'absence de nystagmus spontané et la symétrisation des réponses ne signifie pas pour autant que l'oreille malade a récupéré. Il faut rappeler qu'on n'agit pas sur le labyrinthe malade mais sur les conséquences d'une asymétrie de tonus entre deux systèmes travaillant en complémentarité. Ces conséquences étant elles-mêmes contrôlées par une hiérarchie visant à donner plus ou moins de poids à la réponse du système. La répétitions de séries de rotations sur fauteuil va, concrètement, entrainer une diminution du nystagmus spontané, puis sa disparition voire son inversion. Cette modification de la réponse vestibulo-oculaire sera la preuve de la modification plastique de la position du droit devant et du retour vers "une" normale de la capacité de stabilisation et d'orientation du regard.
Le premier geste à faire lorsque le sujet est assis sur le fauteuil rotatoire est de lui placer les lunettes vidéo sur les yeux et de regarder le moniteur. L'observation des signes permet d'emblée de savoir comment se porte le malade au moment présent. Il permet aussi en cas de syndrome pressionnel d'objectiver le passage d'une phase critique et ce qu'il en reste. En ce qui concerne le cas cité en exemple le sujet en est à sa troisième séance. Les deux premières séances ont été consacrées au bilan. Ce qui va être observé sous video ne risque pas d'être bien différent de ce qui avait été observé lors du premier rendez-vous. Concrètement on doit observer un nystagmus spontané battant à gauche.
Lorsqu'on tourne le fauteuil à vitesse élevée (> 400°/s) le nystagmus après une rotation horaire bat vers la gauche. Après une rotation antihoraire le nystagmus bat vers la droite. Attention ! Il s'agit de nystagmus provoqués et non de nystagmus spontanés. Si les rotations vers la droite sont répétées la réponse du labyrinthe gauche va diminuer. Cette asymétrie provoquée va se traduire par un spontané latent droit qui va s'opposer et diminuer le spontané gauche. C'est le but de l'exercice que d'arriver à baisser le nystagmus gauche. Partant de ceci on va faire subir au sujet une série de rotations vers la droite et contrôler la réponse à travers la durée de la réponse en fixation.
Si on reporte sur un graphe les réponses d'une séance type on observe que la courbe se modifie avec la répétition des séries de rotation, mais aussi qu'elle se modifie avec la multiplication des séances. Il faut donc faire très attention au respect de la forme de cette courbe.
Voici un exemple de réponses obtenues lors du bilan :
Fixation | Vection | |
Rotation horaire | 12 secondes | 14 secondes |
Rotation anti-horaire | 3 secondes | 5 secondes |
Les réponses droites sévèrement diminuées en comparaison avec les réponses gauches.
On va faire tourner le sujet en rotation horaire par séries de trois tours (pour commencer). Ainsi que le montre la courbe type on va commencer par avoir une augmentation des réponses, puis les réponses vont diminuer avant de remonter.
Il ne faut pas espérer dés la première séance arriver à obtenir une baisse importante de la réponse.
Il y a plusieurs raisons à cela : le sujet peut avoir quelques difficultés à supporter la répétition des stimulations. Il est difficile de prévoir à 100% la réaction du sujet. La capacité à supporter de telles stimulations est dépendante de l'existence ou pas d'une cinétose latente. Ceci, bien sùr, n'ayant rien à voir avec l'affection pour laquelle il est traité.
Une autre raison est la qualité de son état général : si cette atteinte déficitaire se présente dans le cadre d'un traumatisme chirurgical ou accidentel sa vulnérabilité sera différente de celle d'un sujet ayant supporté une atteinte virale brutale.
La dernière raison n'est pas propre au sujet mais aux effets secondaires du traitement. En effet il faut impérativement respecter la remontée des réponses même si le sujet dit "pouvoir supporter plus". Le non respect se traduirait, dans un délai d'une à deux heures aprés la séances, par l'apparition d'une sensation de mal être indéfinissable, latent, sournois, majorée par les mouvements de la tête, associée à une sensation de tête lourde obligeant le sujet à se mettre en situation de restriction sensorielle. Ces effets secondaires, en fonction de leur intensité, pourrait aller jusqu'à la prise de décision de ne pas poursuivre le traitement.
Le rééducateur vestibulaire, ayant conscience de l'éventualité de telles manifestations, préviendra son malade de la possible apparition d'effets indésirables et de ne pas hésiter à téléphoner pour lui faire part de leur intensité.
La séance suivante se conduira selon le même protocole et verra sans doute la durée de la séance augmenter. La répétition des séances va amener une modification de la courbe des réponses jusqu'à pouvoir observer en fin de séance la disparition du nystagmus spontané voire une inversion.
Le traitement sur fauteuil cessera lorsque les réponses seront symétriques et trés largement inférieures à cinq secondes sur des séries de dix tours. D'autre part cette modification des réponses devra être corrélée avec une symétrie des réponses en vection.
Au cas où les réponses en vection ne seraient pas symétriques il faut persévérer en travaillant la vection en suivant le même protocole que pour les réponses en fixation.
Les réponses étant bonnes se pose alors la question: le traitement est-il terminé ?
Oui si le sujet est asymptomatique.
Non si le sujet présente encore des doléances.
Si le sujet est asymptomatique, alors que la fréquence des séances était de deux séances par semaine, on lui demandera de revenir pour contrôle à une semaine, si le contrôle est bon le rendez-vous sera à un mois sauf appel de sa part. Si les réponses restent symétriques en fixation et en vection associé à une vie socio-prefessionnelle normale le traitement est alors effectivement terminé.
Si le sujet est encore symptomatique : il faut reprendre le bilan préthérapeutique et rechercher à objectiver les doléances restantes. Dans la majorité des cas (de sujets encore symptomatiques) il est nécessaire de faire des séances de stimulations opto-cinétiques.
On se souvient que le rôle de la séance d'opto-cinétique a pour but de diminuer le poids de l'entrée visuelle et d'opérer un transfert sur l'entrée somato-sensorielle. La première remarque, qui semble évidente, est qu'il ne faut pas faire d'opto-cinétique dans la même séance que le fauteuil ou si les réponses sur le fauteuil ne sont pas "normalisées". En effet la séance de fauteuil utilise trés fortement la participation visuelle (sauf en vection) alors que l'opto va diminuer l'utilisation de l'entrée visuelle. Ce sont deux types de stimulations qui s'annulent.
On a vu en quoi consiste le générateur opto-cinétique et on a étalonné l'appareil pour pouvoir retrouver des vitesses de stimulus de 20°/s, 40°/s, 60°/s.
Le sujet est debout dans le local ou l'obscurité a été faite pour l'usage de cet appareil. Il est placé à une distance minimale de deux mètres de l'écran le plus proche. On commence par un stimulus horizontal à une vitesse de 40°/s. On lui demande de regarder le défilement des points lumineux qui se déplacent sur le mur devant lui. La consigne est: "regardez sans chercher à faire quelque chose et ne cherchez pas, non plus, à ne pas faire". Il doit être totalement passif puisqu'il s'agit d'engager un réflexe pour lequel sa participation volontaire n'est pas souhaitée.
Après un certain temps de charge (trés variable en fonction des sujets) on va observer une déviation posturale ipsi-latérale à la direction du stimulus. Cette déviation posturale n'est pas un déséquilibre mais une correction active pour ne pas chuter dans un univers qui visuellement part en sens inverse. Il ne faut pas oublier que lorsque le réflexe est engagé le sujet a le sentiment que le stimulus est immobile mais que la pièce dans laquelle il se trouve s'incline, tourne, se décale en opposition de phase avec le stimulus. D'ou cette correction active. De ce fait l'inversion seule du sens du stimulus va permettre de ramener le sujet à la verticale.
On sait que la vitesse de 40°/s est une base de départ mais non une vitesse qui doit être scrupuleusement respectée. Il y a une vitesse propre à chaque individu. Il faudra jouer du potentiomètre pour trouver la vitesse qui provoque chez le sujet présent la dévation posturale la plus franche, la plus importante.
Il est nécessaire de regarder les yeux du sujet pour vérifier qu'il y a un nystagmus opto-cinétique provoqué par le stimulus et controler la position du champ de battement. Chez un sujet normal, celui-ci doit anticiper le stimulus.
Dans le cas présent on observera une déviation posturale pour une direction privilégiée du stimulus. Lorsque le stimulus se déplace ipsi-latéralement à l'oreille lésée il ne se passe rien. En revanche lorsque le stimulus se déplace contro-latéralement à l'oreille lésée la déviation posturale est observée. La séance va donc consister à présenter, par un "va et vient" entre les deux directions, le stimulus le plus déstabilisant. La répétition va amener une diminution de la déviation posturale. Le même protocole sera utilisé avec un stimulus vertical. La seule différence étant qu'il faudra partir de 20°/s et ajuster en fonction de ce que le rééducateur observera.
Le traitement opto sera terminé lorsque le sujet sera totalement indifférent au stimulus quelque soit sa vitesse et sa direction.
Dans le cas d'une atteinte ancienne il peut arriver que le sujet ne soit pas encore totalement asymptomatique et soit justifiable de séances de rééducation de l'équilibre en utilisant la proprioception. Ces exercices sont connus des kinésithérapeutes et il n'est pas utile d'en parler.
Toutefois il faudra se souvenir de certaines règles :
- on vient de terminer un traitement en diminuant le poids de l'entrée visuelle. Il sera pertinent de vérifier si les réponses sur fauteuil n'ont pas changé. Peut-être faudra-t-il refaire quelques séances de fauteuil.
- pour pouvoir augmenter les performances d'une entrée il faut la travailler exclusivement sans laisser au cerveau la liberté d'utiliser autre chose. Pour ce faire les exercices de proprioception se feront les yeux fermés, d'une manière aléatoire, sans pré-programmation possible par le sujet (donc encore une fois pas d'auto-rééducation).
- mettre le système vestibulaire en situation de conflit.
En conclusion pour augmenter les performances de l'entrée somato-sensorielle il faut que le sujet soit les yeux fermés, qu'il subissent des exercices sans être averti de ce qui va se passer, en additionnant des mouvements de tête dont la fréquence et la direction seront changés à la commande et d'une manière aléatoire.